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Légende de Xocomil (légende maya)

La légende raconte que c’est là la raison de la présence du vent appelé Xocomil, qui quotidiennement souffle au-dessus d’Atitlan entre les dernières heures de la matinée et les premières de l’après-midi[1]. On dit que ces forts vents sont dus à la rencontre post-mortem des deux amants. Ceux-ci, comme de leur vivant, se retrouvent quotidiennement pour se regarder, se parler, rire, pleurer et s’aimer… à la folie. Personne ne doit traverser le lac durant tout ce temps…

Lago de Atitlan Painting, Google
Lago de Atitlan – Painting

En cette fin d’année, nous vous proposons de découvrir une réécriture  de notre cru : celle de la célèbre légende maya de Xocomil. Qui a donné son nom aux vents s’abattant quotidiennement sur le lac Atitlan, l’un des plus beaux lieux du Guatemala.

Certains savent à quel point la découverte  lointaine de ce pays, ses cultures, ses cultes, ses populations et ses langues ont pu compter dans la décision prise par nous de devenir professeur de français langue étrangère.  Aussi, cette légende précolombienne  est-elle la première que nous avons découverte, la première à laquelle nous nous sommes heurtés, la première que nous avons tenté de réécrire de manière spontanée, sans trop nous poser de questions ; lors d’une nuit d’insomnie, en 2017.

Un texte « d’époque », gorgé de naïveté, que nous vous laissons découvrir.

 

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La légende de Xocomil veut que, des décennies durant, des peuplades des rives d’Atitlan se soient livré des guerres atroces, vraiment atroces… Un jour, au sein d’une de ces tribus en conflit, naquit une princesse magnifique et prénommée par son chef de père Xocomil. En grandissant, elle devint si belle que, quand vain le moment de la marier, son père ne put s’y résoudre et choisi de repousser un à un les prétendent. Plusieurs mois, plus tard, et pour se faciliter la tâche, il décida de mettre sa progéniture au donjon. Magnanime, le chef accorda n’est en moins une faveur à la demoiselle : Elle avait droit d’aller coudre, chaque jour et une heure durant seulement, au bord des rives d’Atitlan, sous surveillance d’une servante. Un soir, alors que la belle Xocomil, qui par miracle avait fossé compagnie à sa servante, était en train de coudre, elle remarqua la présence, à quels que mètres d’elle à peine, d’un jeune homme blond aux yeux bleus. C’est la première fois qu’elle voyait un homme d’aussi près depuis des années. Elle le trouva beau. Ils n’échangèrent toutefois pas un seul mot. Le charme se contentant de faire son office, sur l’une comme sur l’autre.

Le temps passant, ils se revirent, une fois le mois, une fois la semaine enfin chaque jour. Tout au long de ses moments volés d’intimité, ils se regardaient, se parlaient, riaient, pleuraient et s’aimaient, ensemble. Chacun des deux jeunes gens ignorait que l’autre était membre de sang d’une tribu ennemie. Un soir que la jeune Xocomil s’en allait rejoindre son amant, une servante, qui avait remarqué quelques jours plus tôt que la princesse ne cousait quasiment plus, la suivit. Bien cachée, elle découvrit sans peine ce à quoi la princesse et son beau blond s’adonnaient. Sans mot dire, elle courut à toute hâte, s’en allant prévenir le chef de la tribu de Xocomil. Le père ne perdit point de temps, fit fondre son armée sur les rives d’Atitlan. Le piège s’était refermé sur les amants. Les soldats fidèles au père de Xocomil rouèrent de coups le jeune homme. Le bruit et la fureur s’élevèrent. Tant et si bien que les membres de la tribu du jeune homme se hasardèrent à leur tour sur le rivage. À la vision du jeune homme ruisselant de sang, ses frères engagèrent le combat. Les deux armées se rendaient coup pour coup. Au cours des hostilités, Xocomil, qui par miracle était demeurée indemne, alla trouver refuge dans une cavité naturelle creusée par l’érosion dans un immense rocher, posé là, sur le rivage. La folie s’étant totalement emparée des guerriers des deux camps, d’aucuns ne firent plus attention à elle. Alors que la nuit commençait à étendre son linceul constellé, tapie dans l’ombre humide, Xocomil seule observait, se sentant plus démunie que jamais. Elle veilla suffisamment longtemps pour voir son bellâtre rendre son dernier souffle au moment même où son corps tuméfié et rougi de sang s’en allait pour son ultime voyage en direction des tréfonds du lac Atitlan pour disparaitre à jamais. C’est seule, avec son chagrin, qu’elle demeura prostrée de longues minutes avant que l’émotion et le sommeil eussent définitivement raison de sa résistance physique. Elle se réveilla au matin pour ne trouver que mort et désolation. En effet, des deux armées en conflit la veille, ne restait de part et d’autre que de rares survivants, qui tous semblaient avoir retrouvé leurs esprits. Xocomil voulut en finir et retrouver son amant. Des membres des deux tribus l’en empêchèrent. Xacomil ne put que pleurer. L’affrontement passé, les chefs des deux tribus décidèrent de pleurer leurs fils à l’unisson et de sceller une paix en se promettant de ne jamais plus céder à la folie. Xocomil se retrouvant seule reprit son rituel. Chaque jour, elle arpentait les rives d’Atitlan. Non plus pour coudre, bien sûr, mais à la recherche de son amant. Chaque jour, à la même heure, elle l’attendait…

 La légende raconte que c’est là la raison de la présence du vent appelé Xocomil, qui quotidiennement souffle au-dessus d’Atitlan entre les dernières heures de la matinée et les premières de l’après-midi[1]. On dit que ces forts vents sont dus à la rencontre post-mortem des deux amants. Ceux-ci, comme de leur vivant, se retrouvent quotidiennement pour se regarder, se parler, rire, pleurer et s’aimer… à la folie. Personne ne doit traverser le lac durant tout ce temps…

 

 

Source : Xavier Fluet, Les vents contraires. (2017)

 

[1] Entre 11h et 14h.